Ce chapitre est la suite logique de mon précédent blog sur ma reconstruction mammaire – j’espère que vous avez eu l’occasion de le lire.  

Il est très important pour moi d’expliquer que le tunnel que j’ai dû traverser pour vaincre mon cancer du sein m’a transformée. 

J’y suis entrée sous le nom de Cécilia v. 1.0 et je suis ressortie de l’autre côté sous celui de Cécilia v.2.0. Il n'y a pas de meilleure image pour vous expliquer ce que j’ai ressenti. Je suis entrée dans ce tunnel en pensant que rien n'aurait changé à la sortie. Que je reprendrai tout là où je l’avais laissé, que je retournerai à ma vie normale, à mes bonnes vieilles habitudes, à mes amis, à mes activités, à mes collègues et à mon travail. 

Je me suis battue pour ça, pour guérir et laisser cette expérience difficile derrière moi. Je voulais atteindre la lumière au bout du tunnel le plus rapidement possible. Cette sortie était la seule issue possible pour revenir à la normale.  Je ne voulais rien d’autre, juste reprendre ma vie où je l’avais laissée, telle qu’elle était juste avant que je sente une grosseur entre mes doigts en sortant de la douche, en ce jour de janvier 2015. 

Je voulais redevenir à tout prix cette « locomotive » que j’étais avant que le cancer du sein ne me frappe.  En voyant la lumière au bout de mon tunnel, j’étais convaincue que le jour où je sortirai, je ferai la fête comme jamais auparavant. 

J’étais tellement convaincue que j’allais me sentir si heureuse et soulagée. Qu’il suffirait de me secouer et d’oublier les épreuves. Beaucoup peuvent ressentir la même chose, en réagissant peut-être différemment, mais plus je vous parle, plus je me rends compte que nous sommes nombreuses à ressentir la même chose lorsque nous passons enfin « de l’autre côté ». 

Certaines d’entre nous peuvent se sentir confuses, d’autres déçues, seules, tristes ou frustrées, surtout lorsque tous les traitements et les examens de suivi sont terminés. Personne n’est plus là pour vous couvrir d’attentions. Nous nous sommes tellement habituées à occuper le devant de la scène.  

Ne vous inquiétez pas, Mesdames, beaucoup d’entre vous se disent aussi heureuses qu’avant, voire plus heureuses, comme je le suis presque tous les jours. Pourtant, certains jours ne sont pas faciles. Je le comprends, car il m’arrive aussi de temps en temps de me sentir effrayée, anxieuse, incomprise, seule surtout pendant les nuits d’insomnie qui précèdent les examens de contrôle...car « on ne sait jamais ». Et si...? Mais la positivité prend le dessus. Elle doit prendre le relais, il faut trouver la force nécessaire pour continuer, avoir confiance et se persuader que tout ira bien. Je suis l’actrice principale de mon destin et je dois chercher à l’influencer avec tout ce que j’ai appris. 

L’éducation et le mode de vie peuvent sauver des vies, c’est pourquoi je tiens à partager ce que j’ai découvert. Ce que j’exprime, ce sentiment d’être « différente », résonne chez beaucoup d’entre vous.  C’est un sentiment très étrange, en somme. 

Je m’attendais à du pur bonheur à la sortie de mon tunnel et en reprenant le travail, je m’imaginais danser et sauter de joie, mais cela ne s’est jamais produit. Qu’est-ce qui m’en a empêchée ? 

En réalité, j’étais devenue « différente », alors que les autres autour de moi étaient restés sensiblement les mêmes. On m’a souvent dit que ce que j’avais compris en un an, ce que les autres, certains du moins, auraient besoin de toute une vie pour comprendre. 

Me voilà donc transformée en une super-guerrière positive, les problèmes n'existent plus, je ne vois que des solutions. J’avais éliminé toutes les raisons de me plaindre des (rares) choses qui m'agaçaient auparavant et qui étaient désormais devenues insignifiantes. 

Mais ces petites choses insignifiantes étaient restées importantes et dérangeantes pour les gens qui m’entouraient.  

En fait, je me suis rendu compte que je vivais sur une planète très différente de celle de mes collègues et, même, de ma famille.  Je suis entrée dans une période où il n’était pas simple de trouver un équilibre entre ce qui était important et ce qui ne l’était pas. 

Ce qui était un problème et ce qui ne l’était pas. Je vois devant moi une route droite, là où les autres voient des virages.  Je vois une petite colline à gravir, quand d’autres voient l'Everest. 

J’avais fait de gros efforts pour rééquilibrer l’équation travail, amis, famille. Mais il me fallait du temps pour me sentir vraiment apaisée et accepter que les autres ne voient pas les choses du même œil que moi. 

J’étais devenue plus qu’une « locomotive » lorsque j’ai repris la route et que j’ai recommencé à travailler. Pas de temps à perdre, on ne sait jamais de quoi l’avenir sera fait ! 

Moins d’un an après mes traitements, je me suis mis en tête qu'il fallait que nous devenions propriétaires. 

En moins de deux, j'ai pris les choses en main et ai mené mon projet tambour battant. Alors, imaginez ma surprise, lorsque moi, la Superwoman qui avait gagné TOUTES les batailles, qui avait un job formidable et un salaire entier, je me suis vu refuser un prêt par ma banque, car aucune compagnie d’assurance ne voulait de moi, même pas avec des taux d’intérêt astronomiques ! 

Au moment même où je commençais à m’épanouir dans mes projets et à apprécier enfin la personne que j’étais devenue, le système et la société me renvoyaient à la case départ. Ils ne croyaient pas en moi, je ne valais pas un clou.  

J’ai clairement percuté un deuxième mur... Heureusement, nous avons la peau dure dans la famille et nous avons surmonté les obstacles grâce à mon mari (j'ai un mari fantastique !) et sans renoncer à rien. Pour en revenir au travail, je pensais que la reprise serait facile. 

Je serai à jamais reconnaissante à ma société et à ses dirigeants pour le soutien qu’ils m’ont apporté pendant mon absence. Ils ont été une vraie lumière au bout du tunnel. Ils m’attendaient et cette attention sincère, leur confiance m'ont vraiment confortée dans l'idée que j’allais m’en sortir. Je me suis toujours sentie sur la même longueur d'onde que la boîte pour qui je bossais.  

Mais, encore une fois, quand je suis ressortie de l’autre côté, je n’étais plus la même. Aujourd’hui, je change donc de voie – très naturellement au sein de mon entreprise. 

Je continue d’avoir beaucoup de chance, je peux faire davantage ce qui compte le plus pour moi aujourd’hui : représenter les femmes et parler de mon expérience de patiente. Je peux être là pour les autres femmes quand elles en ont le plus besoin. Nous ne serons jamais de trop pour nous soutenir les unes les autres. Chacune à sa manière. 

J’ai trouvé ma voie et je suis heureuse ! Véritablement heureuse ! J’ai un travail formidable, je me vois comme une femme, et non plus comme une patiente. J’ai beaucoup appris et je sens qu'il faut que je partage mon expérience et aide d'autres femmes à améliorer leur vie, jour après jour, en parlant de ces petites choses qui peuvent avoir un grand impact pour une femme et pour toute une vie. 

Quand vous sortez du tunnel, vous devez trouver votre chemin ! Tant de nouvelles perspectives s’offrent à nous. Réussir à trouver le bon équilibre est un défi, mais je sais que le jour où j’ai compris que je pouvais m’adapter plus facilement aux autres, plutôt que l’inverse, cela a vraiment facilité les choses. 

J’attendais trop de gens qui, pour n’avoir pas vécu la même expérience et n'être pas passés par le même tunnel que moi, n'auraient jamais été capables de comprendre ce que je ressentais ni de voir les choses comme moi. Je ne leur souhaite pas de vivre ce que j’ai vécu et j'ai compris que c'était à moi de faire le petit effort supplémentaire que le cancer du sein exige de nous : trouver des personnes que nous apprécions sur notre chemin !  

Vous aussi, racontez-moi comment vous avez géré votre période de « retour au travail » et comment vous vous sentez aujourd’hui.  

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